
Faire bouger les lignes
L’incertitude n’a jamais été aussi présente dans notre actualité et dans nos organisations.
Alors que les repères se dérobent, les accompagnements traditionnels des managers montrent leurs limites : il ne s’agit plus tant de savoir manager dans le sens gérer, que d’avancer dans l’action en intégrant l’incertitude comme une nouvelle réalité.
Des approches complémentaires deviennent plus que jamais nécessaires, pour permettre aux managers et à leurs équipes de trouver de nouveaux appuis, de nouvelles ressources. C’est ainsi qu’ils pourront continuer à avancer dans la transformation et dans l’innovation.
Vivre avec le mouvement permanent
La visibilité des décideurs actuels ne dépasse souvent plus les prochains 3 mois. Les plans stratégiques à 5 ans ou même 2 ans, permettent de fixer un cap, mais ne peuvent plus se traduire par des déclinaisons opérationnelles fixes, stables ou figées dans le marbre. Désormais, ce que nous savons, c’est que ces projections seront rapidement obsolètes, qu’il faudra les moduler, les adapter.
Porter le changement, lui donner un sens, fixer les objectifs et le cap, donner les moyens aux équipes de réussir, les motiver, évaluer les résultats, y compris lorsque leurs propres repères changent, requiert des managers la capacité à être en mouvement.
Il leur faut continuer à animer, à entraîner, à accompagner, à décider. A piloter, dans la mobilité. Pour manager dans l’incertitude, il leur est devenu nécessaire d’embrasser le changement.
Ouvrir ses modes de réflexion grâce au corps
L’incertitude, par la contrainte qu’elle impose, amène souvent un fonctionnement en mode « pilotage automatique », basé sur des schémas de réflexion déjà connus. Pourtant, face à des enjeux nouveaux, seules des approches jusque-là inusitées permettront de sortir du cadre.
Le passage par le mouvement corporel permet de s’affranchir temporairement de la réflexion pour s‘ouvrir, expérimenter et trouver de nouvelles voies.
Le corps est intelligent, faisons lui confiance.
Nous oublions trop souvent que nous avons tous un corps, un corps en mouvement, une ressource accessible à tous.
Si nous nous mettons à observer notre corps, c’est-à-dire se connecter à ses sensations, prendre conscience de ses perceptions, souligner nos préférences dans l’action, ajuster nos points de repères, celui-ci nous donne des clefs pour mieux comprendre le monde qui nous entoure et apprendre de nous-même.
Notre corps est en situation de mouvement permanent, même en pause, il continue à bouger par la respiration. De fait, le contexte dans lequel il évolue change tout le temps, on pourrait même dire que notre corps traverse des situations d’incertitudes permanentes et pourtant il s’adapte. Il est sans cesse en transformation et il arrive parfaitement à trouver des solutions face à ces changements (température, sol, espace, connexions aux autres, temporalité…) Le corps choisit toujours le chemin qui est bon pour lui, faisons lui confiance.
Au même titre que le changement, le mouvement fait peur alors qu’il est source de ressource et d’énergie face à l’incertitude. La peur provoque une contraction musculaire, qui fige et épuise le corps. A l’inverse accepter d’être en mouvement, dans l’action alors que tout bouge tout le temps est nécessaire pour survivre.
J’ai étudié auprès de Wilfride Piollet, danseuse étoile de l’opéra de Paris, pédagogue et chercheuse, créatrice de la méthode Piollet. Passionnée par sa façon de transmettre la danse et bouleversée par l’innovation que sa méthode proposait dans un milieu très académique, j’ai écrit un mémoire de maîtrise sur cette technique* et transformé ma façon de m’entrainer pour danser.
C’est après un changement d’habitude dans son entrainement matinal et la surprenante facilité à danser le Cygne noir du Lac des cygnes le soir même que Wilfride a compris qu’il fallait qu’elle lâche l’appuis de la barre du cours de danse classique pour prendre appuis sur elle-même. Elle a inventé la technique des « barres flexibles ». Le danseur ne s’accroche plus à la barre, il se place au milieu de la salle, il devient autonome et peut s’entrainer où il veut. Il prend appui sur lui-même en activant la visualisation. Ces appuis évoluent en fonction des situations, du contexte, de ses objectifs et des dispositions de celui-ci.
Les barres flexibles
Activées par la visualisation de deux points dans le corps reliés et mis en opposition (par exemple l’arête du nez et une crête iliaque) ou d’un point fixe autour duquel s’organise la mobilité (par exemple la rotule ou la pointe de l’omoplate), la barre flexible permet au corps de s’organiser librement.
Les « barres flexibles » sont des points fixes, adaptables, solides et qui rendent autonome dans un contexte toujours mouvant, changeant.
Nous pouvons appliquer le principe de la barre flexible en entreprise – un manager aligné et précis dans sa vision est un point fixe, les collaborateurs gravitent, s’organisent, co-construisent autour de ce point d’ancrage, le manager stable permet à l’équipe d’aller vers l’objectif attendu. L’appuis du manager rend plus fort, l’équipe agile est disponible pour avancer. Stabilité et mobilité vont de pair, être en mouvement, réagir à l’imprévu, prendre des risques ne peut se faire qu’avec des appuis solides.
Le corps ne triche pas, si les appuis (sur nous même, sur les autres, dans le sol) ne sont pas forts et ne permettent pas d’être en confiance nous ne pouvons pas tenir debout, avancer, être dans la mobilité avec les autres en toute liberté.
Elodie Bergerault,
Mai 2021
*Élodie Bergerault, 1999, Université Paris VIII – Wilfride Piollet, une pédagogie, un regard d’élève.
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